Entretiens et Parcours
Pour rendre compte des réalités concernant l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'institution judicaire,
Femmes de Justice donne la parole aux professionnels, premiers témoins des difficultés encore présentes pour l'accès des femmes aux plus hautes fonctions.
Les entretiens par Femmes de Justice
Venez lire nos rencontres et découvrir les parcours et engagements des divers personnes concernées voire impliquées dans l'obtention de l'égalité réelle au sein de l'institution judiciaire.
Les parcours des Femmes de Justice
Témoignage d'Alexia Canivet, directrice des services de greffe judiciaire
"Au sein même du Ministère de la Justice, des processus d'invisibilisation de la profession se sont mis en place"
Portrait d'Ombeline Mahuzier
EN SAVOIR PLUS...Magistrate, Chevalier dans l'Ordre National du Mérite et ancienne présidente de Femmes de justice de 2018 à 2022 - Interview Miss Konfidentielle 2020
Entretien avec Gwenola Joly-Coz pour le 8 mars 2016, journée internationale des droits des femmes
Pour la journée internationale des droits des femmes, la Direction des services judiciaires s'est entretenue avec Gwenola Joly-Coz, présidente du Tribunal de grande instance de Pontoise et secrétaire générale de l'association Femmes de Justice. Cette dernière nous livre son point de vue sur la place des femmes dans la magistrature et présente l'association Femmes de Justice.
Qui peut adhérer à l'association Femmes de Justice ?
Peut adhérer à l’association Femmes de Justice toute magistrate et fonctionnaire de catégorie A relevant du ministère de la justice, exerçant en son sein ou à l’extérieur, en activité ou en retraite. L’association a fait deux choix très importants lors de sa fondation. Premièrement, elle a voulu proposer cette synergie à toutes les directions : services judiciaires, administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse.
Deuxièmement, elle a décidé d’être ouverte aux hommes, qui choisissent de s’afficher « he for she » (« lui pour elle ») et de porter un discours d’égalité entre les femmes et les hommes.
Quel est l’objet de l’association ?
L’objet social de l’association est de favoriser la réflexion sur la mixité et de promouvoir la parité dans la prise de responsabilité au sein du ministère, notamment en contribuant à la dynamique d’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit d’alerter, de proposer, de favoriser la détection des talents féminins notamment en rendant visibles les compétences et l’expertise des femmes du ministère.
La féminisation des métiers du droit est un « impensé » sur lequel il convient désormais de mettre des mots afin de développer une politique publique lucide et volontariste.
L’association compte combien de membres ?
Nous avons été surprises des adhésions qui sont arrivées massivement lors de la création de l’association en juin 2014. Aujourd’hui, nous sommes plus de 300 adhérentes, avec un conseil d’administration et un bureau très dynamiques. Beaucoup d’adhérentes proposent spontanément leur aide et mettent leurs talents à disposition de l’association.
Nous avons déjà proposé de multiples actions : conférence sur les stéréotypes, colloque – échanges avec les associations « Femmes de l’intérieur » et « Femmes & diplomatie » sur la mobilité géographique, rencontre avec des personnalités, intervention dans les formations initiales et continues, séances de coaching…
L’association est-elle implantée sur tout le territoire et par quel vecteur ?
Des femmes de toute la France ont adhéré et nousrejoignent à Paris pour les assemblées générales, qui sont des moments de partages et d’échanges très stimulants ! Les adhérentes ont voulu dès le début qu’une vie régionale de l’association s’instaure. Malgré les difficultés géographiques, elles y arrivent et cherchent à s’associer avec les autres grandes associations de femmes de la fonction publique.
L’association va-t-elle mener des actions particulières pour la journée des droits des femmes ?
Des adhérentes prennent des initiatives. Le 8 mars 2015 était une journée consacrée à l’application de la loi du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes à la cour d’appel de Riom. Le 8 mars 2016, une conférence est organisée au TGI de Pontoise sur l’histoire de la féminisation des métiers du droit. FdJ s’associera également cette année à la signature par le garde des Sceaux de la convention d'engagement du ministère de la Justice pour une communication publique sans stéréotype de sexe, d'après le guide élaboré par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes.
Mais le 8 mars, c’est toute l’année…
Témoignage de Marie-Françoise Lebon-Blanchard
Femmes de Justice, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre bienveillante, d’une écoute attentive et d’une solidarité sans faille. Tout a germé au Tribunal de Grande Instance de Nantes dans les années 2000, entre Gwenola Joly-Coz, une jeune magistrate dynamique et moi-même, plus âgée, plus expérimentée. Un conseil, un soutien, de multiples affinités sur des sujets considérés comme essentiels et fondateurs…Et c’était parti, le lien d’amitié et de solidarité était né.
Chacune a fait son chemin professionnel, et un jour en 2013, nous nous sommes retrouvées à l’Inspection de la Justice. Dans ce creuset, à la faveur des missions, nous avons fédéré autour de nous des femmes venant des autres directions, nous avons partagé les constantes de notre condition, la condition féminine à la faveur des pauses déjeuners « sur le pouce »… pour ne pas perdre de temps !
Une fois partagés les échanges et les expériences, nous avons décidé de poser des actes, de fonder une association qui ne serait pas limitée aux magistrats, mais clairement ouverte aux femmes et aux hommes des trois directions métiers du ministère de la justice. Il y avait Sylvie, Gaxuxe, Isabelle, Nadine, Catherine, Gwenola et moi. Nous avons créé FdJ avec l’aide des Femmes de l’Intérieur, autre association plus ancienne, nos grandes sœurs.
Parallèlement, j’ai été désignée Haute Fonctionnaire à l’Egalité femmes-hommes, très honorée de créer une synergie entre les deux fonctions, comme beaucoup de fondatrices d’associations de femmes des ministères.
Mais rien n’était simple. Lorsque que l’on est en début de processus, il faut se faire une place, se faire reconnaître tant comme HFE que comme présidente de FdJ au sein du ministère de la Justice. Négliger les sarcasmes affichés ou sous-jacents, aller toujours de l’avant, fière des valeurs d’égalité et de parité défendues et forte du soutien de mes sœurs de FdJ. Avec le recul, j’ai eu l’impression de défricher une terre inculte avec, comme outil, ma force de conviction, tranquille mais déterminée, surtout une alliée indéfectible, efficace volontaire et stratège, Gwénola Joly-Coz. Elle a fourni argumentaires, chiffres et analyses au service de notre action de plaidoyer.
Il en fallait de la ténacité pour se faire reconnaître comme HFE à l’intérieur du ministère de la Justice : contacts avec le DSJ, le SG, plaidoyer devant le Comité Technique Paritaire pour tenter de décliner, pour la Justice, le protocole d’Egalité femmes-hommes pourtant signé par les organisations syndicales nationales. Mais aussi, il me fallait défendre les quelques acquis du ministère de la Justice devant le ministère des droits des femmes.
Il fallait également être visible, même à l’international. J’ai ainsi porté les couleurs de FdJ en Egypte, invitée par l’Institut Français du Caire, pour parler d’égalité à un parterre de femmes venant de nombreux pays méditerranéens, des féministes qui, pour certaines, portaient le voile traditionnel. Et pourquoi cette invitation ? Parce qu’un jour, lors d’une formation, Gwénola avait rencontré à Sciences-Po Paris, une jeune magistrate égyptienne… La solidarité c’est essentiel !
Si j’ai été une pionnière quelque part, je n’ai jamais été seule. Où que j’aille, j’ai trouvé des soutiens de femmes et d’hommes qui voulaient faire évoluer l’égalité et la parité au-delà des déclarations, dans les actes. Pourquoi ces soutiens ? Parce qu’ils renvoient à des expériences personnelles, familiales, voire intimes, ou professionnelles toujours fondées sur l’impérative nécessité de parité et d’égalité.
J’ai compris que l’égalité femmes-hommes ne peut se faire sans les autres, les hommes (qui peuvent adhérer à notre association), l’autre part de l’humanité, et les multiples réseaux féminins qui portent des valeurs similaires aux nôtres.
Pour ce qui est de ma mission de HFE, en 2014, 10% de mon temps y était consacré.
Progressivement cette proportion s’est accrue et Isabelle Rome, qui m’a remplacée en février 2017, est actuellement à plein temps sur cette fonction.
Le chemin est long, rien n’est définitivement acquis. Mais j’ai confiance dans les jeunes femmes qui ont repris avec cœur, détermination et ambition, le flambeau, notamment Ombeline, présidente actuelle de Femmes de Justice. Nous savons toutes que, malgré les pesanteurs structurelles, culturelles et sociétales, combien nos actions sont pertinentes et justes.